1 novembre 2021

Bénin : bilan de l’évaluation des forêts de Sérou et de Igbo-Dognin

L’activité de restitution de l’évaluation des forêts de Sérou et Igbo-Dognin avec l’outil Imeta eu lieu le samedi 15 octobre dans la commune de Bassila. Elle a été conduite par Vivia Miel Ong avec pour objectif de restituer aux acteurs, le rapport de l’évaluation de l’efficacité de gestion des 2 Aires Protégées (AP). La rencontre a réuni les différents membres du comité local de gestion des deux forêts sacrées constitué des communautés traditionnelles et autochtones et les associations. Le représentant du service des Eaux, Forêts et Chasse, les représentants des Mairies de Bassila et de Djougou ont pris part aussi à la séance.

Le projet qui fait bénéficier cet atelier de restitution est mis en œuvre par Vivia Miel Ong. Il reçoit le soutien financier de l’Union Européenne et l’Organisation des Etats d’Afrique, Caraïbes et Pacifiques à travers le programme Biopama.

L’objectif général de ce projet est d’identifier ou la mise à jour d’actions prioritaires dans les aires protégées et conservées par le biais d’une évaluation qui identifie également les risques potentiels. Avant cet atelier de restitution, une formation sur la conduite d’une évaluation avec l’outil Imet et de pré remplissage de formulaire a eu lieu à Djougou. Après cette formation, coachs Imet et peuples autochtones de ces aires protégées ont procédé au remplissage proprement dit du formulaire. Place à présent à la restitution des résultats issus de cette évaluation.

Résultats de l’évaluation

La forêt sacrée de Igbo-Dognin a une superficie de 5,72 ha et est située dans le village de Partago, arrondissement d’Alédjo dans la Commune de Bassila. Quant-à- la forêt sacrée de Sérou, elle a une superficie de 108 ha et est une portion de la forêt classée de Sérou située dans la commune de Djougou, village de Sérou. Ces deux forêts sacrées sont intégrées aux aires protégées nationales gérées par les communautés locales, l’Ong Vivia Miel et les Collectivités décentralisées. Elles sont toutes deux des AP de Catégorie III et VI de l’UICN et reconnues APAC.

Cette évaluation s’est basée sur 6 éléments du contexte de gestion de l’aire protégée. Ces 6 éléments sont le contexte de gestion, la planification, les intrants, le processus, les résultats et les effets et impacts. A en croire les experts, l’évaluation de l’efficacité de gestion de la forêt sacrée de Sérou donne un index global de 42,93% et de 44,79% pour la forêt de Igbo-Dognin. Ces pourcentages sont les synthèses de l’ensemble des scores issus des six éléments du cycle de gestion de l’aire protégée.

L’analyse faite par les experts sur ces deux AP a ressorti des points positifs que négatifs. Georges Nobime, l’un des coachs IMET, énumère ces aspects.

Points positifs et négatifs de l’évaluation

« Parmi les points positifs, on note cette volonté manifeste des différents acteurs à conserver ces forêts. L’engagement de Vivia Miel Ong à protéger et restaurer ces forêts. Ce qu’on retient aussi de positif est le fait que dans ces forêts, s’y trouvent le culturel et le cultuel et il y a la présence d’une variété d’espèces végétales et animales. En ce qui concerne les points faibles, tous les acteurs de la chaine de protection de ces forêts ne sont pas suffisamment mobilisés. On ne sent pas également une forte présence de l’inspection forestière dans ces AP. Leur présence motivera les peuples autochtones à mener des activités durables qui valoriseront ces AP ».

Georges Nobime, coach Imet.

Cette analyse a permis aux experts de formuler des recommandations pour une bonne gestion de ces forêts.

Quelques recommandations

Lisette Amoussou, l’autre coach Imet a présenté quelques éléments du plan d’action proposé pour une bonne gestion des AP. Elle revient d’abord sur quelques points négatifs.

« Nous avons  constaté que les communautés autochtones attendent l’avènement des projets et financements avant de mener des actions à caractère durables dans ces forêts, ce qu’il faut déjà commencer par corriger. Ces deux forêts ne disposent pas aussi de plan de travail annuel et de gestion actualisé. Il va falloir actualiser ces plans de gestion. L’inexistence d’un budget sécurisé pour ces deux forêts est aussi un point qui peut bloquer les initiatives de restauration de ces AP. La faible domination de l’aire protégée (absence d’activités de surveillance) et l’éducation environnementale et sensibilisation du public à un niveau embryonnaire sont entre autres faiblesses relevées ».

Lisette Amoussou, coach Imet.

Au regard de l’analyse des résultats de l’évaluation de l’efficacité de gestion des 2 AP, les experts préconisent à l’ensemble des acteurs de l’aire protégée un plan d’action. Il est décliné en plusieurs points:

  • Actualiser le Plan d’Aménagement et de Gestion (PAG) des deux aires protégées
  • Redynamiser la collaboration entre toutes les parties prenantes à travers la création de cadres de concertation fonctionnels entre les mairies, l’Inspection forestière, l’Ong Vivia Miel et les communautés locales pour la gestion efficace des aires protégées
  • Responsabiliser les communautés locales dans les activités liées aux 2 AP
  • Faire le lobbying auprès des partenaires financiers et les institutions nationales chargées de la gestion des AP pour assurer un budget annuel sécurisé pour les 2 AP
  • Développer une stratégie de communication et de marketing afin de promouvoir le tourisme et l’écotourisme sur les valeurs cultuelles et culturelles dont disposent les AP
  • Créer des partenariats avec les universités pour développer la recherche dans les 2 AP

Engagement des communautés et des femmes

Les participants de cet atelier de restitution comptent mettre en pratique tous les conseils donnés par les communicateurs en vue de la protection des AP. Les sages et têtes couronnées promettent intensifier les activités de reboisement et de contrôle. Les femmes de leur côté ne pensent faire piètre figure dans ce combat. Elles entendent contribuer aussi à la restauration de ces patrimoines collectifs.

Aichatou Bio Bangana représente les femmes de la commune de Bassila à l’atelier. Elle est consciente des bienfaits que les forêts apportent dans l’équilibre éco systémique.

« Nous devons accorder une attention particulière à nos forêts. Nous allons travailler aux côtés des hommes, nous les aiderons à faire la surveillance. Ceci en dénonçant toutes personnes que nous surprendrons posant des actions contraires à la sauvegarde de nos forêts comme la coupe anarchique du bois. Nous demandons l’aide des autorités pour nous aider à mieux sécuriser ces aires. Nos enfants et petits-enfants doivent bénéficier eux aussi des vertus de ces forêts. Pour que ça soit possible, c’est à nous aujourd’hui de nous battre pour ça ».

Adidja Inoussa représente les femmes du village de Sérou dans la commune de Djougou. Elle n’en dira pas moins que sa prédécesseuse.

« La forêt est avant tout notre patrimoine. Qui pourra mieux protéger cette aire autre que nous. Face aux multiples menaces, l’idéal est que nous soyons solidaires dans les mesures de protection de cette forêt. C’est pourquoi, il faut qu’on se mette ensemble. Nous allons sensibiliser autour de nous dès qu’on rentre au village pour l’interdiction des actions anthropiques. Nous appelons les autorités compétentes à faire régulièrement des descentes dans ces forêts. Cela dissuadera aussi les contrevenants. Chaque fois qu’il y aura une activité dans la forêt, je mobiliserai mes paires pour accompagner les hommes ».

Lire aussi Bénin : Vivia Miel Ong pour une meilleure gestion des aires protégées à travers Biopama

La mairie de Bassila prête

Le deuxième adjoint au maire de Bassila Mama Kouta Yaya représentant le maire de la commune empêché réaffirme l’engagement de la commune à participer au processus de préservation et de sauvegarde des aires protégées. Il se remémore des espèces fauniques et floristiques qu’on y trouvait dans la forêt de Igbo-Dognin qu’on ne retrouve plus de nos jours.

« La protection de ces aires protégées est aujourd’hui pour nous une obligation. Nos ancêtres avaient milité pour la protection de ces forêts. Pourquoi pas nous ?. La commune y a beaucoup à gagner si cette forêt retrouve sa fraicheur du passé. On peut y aller faire du tourisme, ce serai une plus-value pour la localité. La mairie est prête et disponible à accompagner et à mobiliser tous les acteurs pour que les actions urgentes à mener dans la forêt de Bassila soient faites le plus vite que possible ».

Mama Kouta Yaya deuxième adjoint au maire de la commune de Bassila

La mise en place d’un cadre de concertation : une urgence

« Pour mettre en œuvre ces recommandations que les experts nous ont présentées, il va falloir mobiliser les ressources humaines, financières et matérielles. Les résultats présentés ne sont pas reluisants. Mais si nous travaillons ensemble et si nous mettons du sien on pourra corriger le tir et inverser la tendance. L’action la plus prioritaire pour moi est la mise en place d’un cadre de concertation formel. Celui-ci réunira les peuples autochtones, les mairies, l’inspection forestière et les acteurs locaux ainsi que l’Ong Vivia Miel. Il sera question d’identifier les difficultés auxquelles nous pouvons trouver des solutions rapides pour sauver les AP évaluées dans ce projet ».

Le Directeur exécutif de Vivia miel Ong Emmanuel Traoré n’a que de mots de remerciements à l’endroit des partenaires techniques et financiers. Il exprime sa gratitude à l’Union Européenne et l’Organisation des Etats d’Afrique, Caraïbes et Pacifiques à travers le programme Biopama pour son soutien financier. Emmanuel Traoré appelle le gouvernement béninois, les autres Ong et les partenaires techniques et financiers à les appuyer afin de faire de nos aires protégées des lieux touristiques sécurisés et attrayants. Il est conscient qu’une restitution fidèle sera faites par les participants de l’atelier une fois rentrés dans leurs localités respectives.

Soulignons que le document sorti de l’évaluation de ces deux AP contient toutes les informations sûres qui peuvent permettre aux bailleurs de fonds d’être mieux situés sur l’état de ces forêts.

Lire aussi conservation et gestion participative et communautaire des forêts

Partagez

Commentaires