L’aquaponie : une solution durable pour la gestion de l’eau
L’aquaponie combine la culture de plantes et l’élevage de poissons pour créer un écosystème alimentaire durable. Cette méthode agricole circulaire, à faible consommation d’eau, est encore peu connue et doit être promue au Bénin et en Afrique. Les experts estiment que la valorisation et le recyclage de l’eau dans ce système renforcent la résilience des agriculteurs et pisciculteurs africains. Son adoption peut contribuer à une alimentation saine et équilibrée grâce à une agriculture durable. Chamsou-Dine Baguiri en parle avec des experts du domaine.

L’aquaponie est un système innovant qui permet plusieurs usages de l’eau, alimentant à la fois les poissons et les légumes. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture FAO, elle combine la culture des plantes et l’élevage de poissons dans un environnement de recirculation, créant une synergie. Le terme provient d’ « aquaculture » et d’ « hydroponie ». Les systèmes varient de petites unités d’intérieur à de grandes surfaces commerciales. La FAO souligne que l’aquaponie est une solution intelligente basée sur les poissons pour produire de la nourriture en utilisant peu de ressources. Les experts la jugent intéressante à plusieurs égards, fournissant des arguments pour le prouver.
Le rôle de l’eau dans le fonctionnement de ce système

L’aquaponie dépend de l’eau pour la survie des poissons et des plantes. Le Professeur Ibrahim Toko, de l’Université de Parakou, et directeur du Laboratoire de Recherche en Aquaculture et en Ecotoxicologie aquatique LaRAEAq, a mené des recherches sur cette technologie avec l’aide d’une ONG belge. Il explique que « les poissons fertilisent l’eau avec leurs rejets. Les nutriments contenus dans l’eau sont ensuite envoyés au potager ou aux plantes, où un autre lien essentiel entre en jeu : les bactéries. Celles-ci transforment l’ammoniac des matières fécales des poissons en nitrates, qui nourrissent les plantes. En pompant les nitrates, les plantes purifient l’eau qui est ensuite renvoyée dans l’étang ou le bac aux poissons grâce à un dispositif de siphonnement ».
Le laboratoire du Pr Toko est autosuffisant en énergie, utilisant l’énergie solaire en cas de coupure électrique, ce qui permet un fonctionnement continu du système, écologique et efficace.
L’économie et le recyclage de l’eau
L’avantage le plus évident de l’aquaponie est l’économie d’eau du point de vue de plusieurs experts. Aïda Diongue-Niang, vice-présidente du groupe de travail 1 du GIEC, lors d’un atelier pour journalistes sur les enjeux de l’eau à Dakar d’août 2022, a déclaré que « l’adaptation liée à l’eau se produit dans tous les secteurs, et en particulier dans l’agriculture, qui est le secteur qui consomme le plus d’eau ». Étant donné que l’eau dans le système aquaponie est réutilisée en flux constant, on économiserait jusqu’à 95% d’eau en comparaison à des plantes cultivées en terre.
Irénikatché Akponikpè est professeur titulaire en science de l’eau pour l’agriculture à la Faculté d’Agronomie de l’Université de Parakou au Nord-Bénin. Il est expert en réutilisation des eaux usées et adaptation aux changements climatiques.
La même quantité d’eau est utilisée pour alimenter les poissons et les différentes spéculations maraîchères. « Elle est utilisée plusieurs fois pour produire non seulement la matière animale mais aussi celle végétale. Ce système est très intéressant du point de vue économique et environnemental », affirme l’expert.
Un remède au problème de pénurie d’eau

Le sixième rapport du GIEC montre que le changement climatique impacte négativement le cycle de l’eau et tous les secteurs qui en dépendent. En Afrique, cela se traduit par un accès limité à l’eau. D’ici 2050, une personne sur quatre pourrait souffrir de pénuries d’eau récurrentes selon les Nations Unies.
Lors du forum mondial de l’eau de mars 2022 à Dakar, Dr Aïda Diongue-Niang a souligné : « L’impact du changement climatique sur les ressources en eau en Afrique est déjà très visible », renforçant les risques de pénuries futures.
L’Afrique fait aussi face à l’urbanisation et à la croissance démographique, réduisant les espaces agricoles. Selon Irénikatché Akponikpè, Professeur en sciences de l’eau à l’Université de Parakou :
« Le continent africain subit une baisse des précipitations, des sécheresses répétées, et un manque d’eau pour l’agriculture, entraînant une baisse des productions agricoles et halieutiques. Avec l’aquaponie, l’eau est recyclée et réutilisée pour plusieurs usages, une solution efficace pour gérer la rareté. »
Dr Diongue-Niang ajoute : « Ce système permet d’apprendre à gérer l’eau dans un contexte difficile. ». L’aquaponie offre aux agriculteurs et pisciculteurs africains une technologie clé pour faire face à ces défis.
Réduction de la pollution environnementale liée à l’aquaculture

L’aquaponie réduit la pollution environnementale liée à l’aquaculture, affirme le Professeur Ibrahim Toko après des expérimentations en laboratoire. En aquaculture, les eaux souillées déversées dans la nature, riches en nitrate et ammoniac, créent des problèmes de pollution et peuvent tuer les poissons. En aquaponie, cette eau remplie de déchets est utilisée pour produire des légumes, limitant ainsi l’impact environnemental de l’aquaculture.
Pas de produits chimiques mais plutôt des engrais organiques

Crédit photo : Chamsou-Dine Baguiri
Les déjections des poissons en aquaponie, qui pollueraient autrement l’eau, servent d’engrais organiques pour les plantes, favorisant leur croissance rapide. Le Pr Ibrahim Toko explique :
« Les eaux polluées des bacs ne sont pas rejetées dans la nature. Elles sont acheminées vers les cultures via des tuyaux, fournissant des nutriments naturels. Sans produits chimiques, les aliments issus de ce système sont riches en goût et contribuent à la sécurité alimentaire. »
Ainsi, légumes et poissons produits en aquaponie sont de meilleure qualité sanitaire.
Lors de l’atelier pour les journalistes Dakar 2022, Dr Boubacar Barry a recommandé des actions comme l’amélioration des infrastructures hydro-agricoles, la réutilisation des eaux usées et l’intégration de multiples usages de l’eau pour renforcer la sécurité alimentaire. L’aquaponie se distingue comme une solution durable pour produire des aliments sains et naturels.
L’aquaponie à adopter à tout prix

Ce système doit être promu car aujourd’hui les sols sont infertiles en raison de l’utilisation abusive d’engrais chimiques. Par ailleurs, c’est une méthode tout à fait adaptée aux petits espaces et aux milieux urbains. Le Professeur Ibrahim Toko justifie.
« Les maraîchers dans les grandes villes comme Parakou, troisième ville à statut particulier du Bénin, ont des problèmes d’eau et manquent d’espaces pour leurs cultures maraîchères. Ils creusent jusqu’à 1,40 m dans les bas-fonds pour l’arrosage et pour pallier le manque d’eau en saison sèche. Mais en utilisant le système aquaponie, ils peuvent produire des légumes en toute saison ».

Crédit photo : Chamsou-Dine Baguiri
A défaut d’un dispositif de retenue d’eau, l’eau de puits peut aussi alimenter ce système. Comme c’est le cas au centre d’Innovation de la Fondation Hubi et Vinciane à Parakou. C’est une stratégie efficace de gestion de l’eau du bac qui ne se perd pas. Elle est dans un système circulaire qui alimente les légumes et les poissons sans aucun préjudice causé à l’environnement.
Un appel à l’endroit des décideurs
Les avantages de l’aquaponie sont en phase avec les cibles 3 et 4 du 6ème Objectif de Développement Durable. Le Professeur Toko exhorte les pays africains à adopter ce système, rentable et durable.
« De nos jours quand on prend tous les documents stratégiques et toutes les options qui se font au niveau national et international, le système aquaponique en fait partie. Les décideurs au plan national et les autres dirigeants africains doivent vraiment s’investir dans cette forme de production qui est non seulement rentable mais économiquement durable ».
Professeur Ibrahim Toko, spécialiste en aquaculture
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