26 novembre 2021

Boom des grossesses en milieu scolaire : n’attendons plus le pire pour agir

La Covid-19 a des conséquences graves sur les enfants, sur les familles et sur les communautés du monde. Cette pandémie a perturbé les secteurs de l’éducation et de la santé, en mettant en danger des millions de vies. Les efforts pour lutter contre la crise sanitaire mondiale ont entraîné des fermetures d’établissements scolaires dans 194 pays, selon l’Unesco. Parmi ceux-ci, figurent plusieurs pays africains dont le Bénin. La Fondation Vision du monde publie que cette mesure a affecté 90% des apprenants, surtout les filles. Nombreuses d’entre elles sont victimes de grossesses non désirées et précoces. Plus de 5 millions d’entre elles risquent de ne pas retrouver les bancs de l’école ajoute la Fondation. Pendant la pandémie, les informations sur les droits à la santé sexuelle et reproductive des jeunes et adolescents (DSSR) ont fait défaut.

Les impacts du coronavirus ne se mesurent pas seulement au nombre de décès. On note ainsi, parmi les nombreuses conséquences, une augmentation spectaculaire des grossesses précoces et non désirées en milieu scolaire. Une situation qui a fait régresser les progrès réalisés en faveur de la scolarisation des filles. En effet, 542 filles sont tombées enceintes dans le nord du Bénin, dans le Borgou, pendant l’année scolaire 2019-2020. Ces chiffres publiés en décembre 2020 proviennent de la protection de l’enfant, de la Direction des enseignements secondaires du Borgou. Un phénomène accentué par la fermeture des écoles du 30 mars au 10 mai durant la crise sanitaire.

Au moins 2300 cas de grossesses

L’annuaire statistique 2019-2020 du ministère des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle (MESTFP) révèle 2253 cas de grossesses dans les collèges et lycées du Bénin. Ayouba Gounou Guéné communicateur en santé sexuelle et reproductive SSR des adolescents et des jeunes pense que ces chiffres sont encore plus élevés. Il estime que certaines grossesses surtout dans les milieux ruraux sont sous-déclarées. 

« Entre 2019 et 2020, au moins 2300 cas de grossesses ont été enregistrés dans les établissements publics et privés. Ces données sont collectées par les cadres de concertation de la santé sexuelle et reproductive des adolescents et jeunes. Car pendant la fermeture des classes, les adolescents se sont adonnés à des actes sexuels non protégés ».

Ayouba Gounou Guéné, communicateur en santé sexuelle et reproductive des adolescents et des jeunes

La Covid-19  hypothèque l’avenir de plusieurs apprenantes

En octobre 2019, avant l’apparition du coronavirus, Bana, âgée de 15 ans, commençait la classe de troisième à Komiguéa. Komiguéa est un village de l’arrondissement de Sirarou dans la commune de N’Dali au Nord-Bénin. L’adolescente orpheline de père est maintenant déscolarisée. Elle aide sa maman dans son petit commerce de légumes. La jeune fille a été exploitée sexuellement par un jeune de sa communauté. « Il a dit qu’il paierait ma scolarité après mon Brevet d’étude du premier cycle. Je passais la majorité de mon temps chez lui », explique Bana en larmes avec son bébé à califourchon sur elle.

Comme Bana, plusieurs adolescentes d’Afrique et du monde sont tombées dans le même piège tendu par la pandémie. Word Vision International, l’un des membres de la Coalition mondiale pour l’éducation de l’Unesco a publié un nouveau rapport. Selon ce document, au moins 1 million d’entre elles en Afrique subsaharienne risquent de se retrouver privées d’éducation, en raison de grossesses précoces survenues pendant la pandémie.

L’accès aux DSSR a fait défaut

Dans plusieurs pays africains dont le Bénin, la promotion des DSSR n’a pas été une priorité. De nombreuses grossesses non désirées, survenues, pendant le confinement auraient pu être prévenues. Lors du confinement, les services essentiels ont été stoppés, ne garantissant plus ainsi un accès universel aux DSSR. Si les services de promotion des DSSR avaient anticipé et multiplié les sensibilisations dès le début de la pandémie et pendant le confinement, on aurait pu sauver plusieurs adolescentes. Plusieurs d’entre elles ne pourront plus retourner à l’école et regrettent d’être filles-mères. 

Sensibiliser au dialogue parent-enfant

La sexualité est un sujet tabou au sein des familles africaines. La méconnaissance de tous ses contours pousse les adolescents à se lancer sur des terrains inconnus. L’exemple de Bana est édifiant. La jeune fille affirme que la sexualité est un sujet que sa maman n’a jamais abordé d’où l’importance du dialogue parent-enfant, insiste Ayouba Gounou Guéné, communicateur en SSR.

« Les parents doivent trouver du temps pour discuter avec leurs enfants. Le but est de mieux les orienter sur les questions de santé sexuelle et reproductive ».

Ayouba Gounou Guéné, communicateur en santé sexuelle et reproductive des adolescents et des jeunes

Solutions envisageables

La prise en compte des services essentiels de santé, y compris des DSSR, dans les documents stratégiques anti Covid-19 est indispensable. Outre ce premier niveau de solution, l’accès à l’information à travers les sensibilisations (causeries éducatives) est l’autre perspective. C’est l’introduction de l’éducation à la santé sexuelle dans les programmes de formation dès la classe de sixième. Ensuite, l’accès aux services de DSSR ( contraceptifs, conseil des spécialistes et prise en charge); puis l’amélioration du cadre normatif. Il s’agit des lois, des politiques de gratuité soins ou services par exemple la possibilité pour les mineurs d’acheter des pilules du lendemain sans ordonnance. L’adoption le 10 novembre 2021 des décrets d’application de la loi relative à la santé sexuelle et à la reproduction au Bénin en conseil des ministres est une avancée.

Toutefois, Ayouba Gounou Guéné, rappelle aux adolescents que « le préservatif est le moyen le plus simple à utiliser » pour se mettre à l’abri des grossesses précoces et non désirées. Il faudra que les décideurs investissent pour la promotion des DSSR des adolescents. Le faire, c’est maintenir les filles à l’école et rendre effectif leur droit à l’éducation. C’est atteindre progressivement l’Objectif de Développement Durable (ODD) 5. L’accès aux DSSR éviterait ce boom de grossesses. Chers décideurs, il faut agir maintenant.

Lire aussi : Boom des grossesses post-confinement en milieu scolaire : quelle thérapie pour l’Afrique ?

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